Une alimentation plus végétale fait de plus en plus d’adeptes, entre autres, par soucis de santé et d’écologie. Mais que pouvons-nous réellement en espérer comme gain ? Rencontre avec le prof Olivier Jolliet (Université du Michigan) ; qui a développé un outil pour répondre de façon précise à cette question.
Qui est Olivier Jolliet ?
Olivier Jolliet est professeur à la University of Michigan et membre fondateur du Risk Science Center. Il travaille sur les risques et les impacts environnementaux des produits chimiques et des technologies innovantes. Il a co-initié l’initiative des Nations Unies sur les cycles de vie UNEP (United Nations Environment Program)/SETAC Life Cycle Initiative et est le responsable scientifique du programme d’évaluation de l’impact sur le cycle de vie. Il est réviseur pour plusieurs revues scientifiques.
Quelle est l’importance de l’alimentation parmi tous les facteurs de risques pour la santé ?
O.J. « L’alimentation, au même titre que le tabac, est le facteur le plus important sur lequel nous pouvons agir pour notre santé. Ce que nous mangeons a des effets directs et indirects, notamment via le surpoids, sur notre qualité et notre espérance de vie. C’est également un facteur important pour l’environnement. C’est ce que nous avons voulu quantifier dans nos recherches. »
Quelle a été votre approche ?
O.J. « Nous sommes partis des données du Global Burden of Disease (GBD), qui liste les 15 principaux facteurs de risques alimentaires et nutritionnels pour la santé. Nous avons calculé ces effets pour plus de 5800 aliments pour les exprimer en minutes de vie gagnées ou perdues. »
Pouvez-vous donner des exemples ?
O.J. « Prenons un hotdog : ses 61g de viande transformée résultent en 27 minutes de vie perdue, le gramme de sel contenu dans le hotdog fait perdre sept minutes de vie en plus, et le contenu en acides gras trans en fait perdre 3 supplémentaires. Ceci n’est que très partiellement compensé par la minute de vie gagnée par la présence de fibres et de graisses polyinsaturées. Résultat : 36 minutes de vie perdue pour un hot dog… A l’ínverse, en mangeant 23 g de noix et de graines, nous pouvons gagner 25 minutes de vie. »
Est-ce que bon pour la santé va de pair avec bon pour la planète ?
O.J. « Nous avons analysé ces mêmes aliments sur base de 18 critères environnementaux. Il y a souvent une corrélation, mais pas toujours. Le saumon, par exemple, est plutôt bon pour la santé, mais ne score pas très bien pour l’environnement. Pour la pizza, il y a une corrélation entre sa qualité environnementale et sa qualité nutritive. Plus elle contient de viande et moins elle contient de légumes, plus ses impacts sur l’environnement et la santé augmentent. »
Que peut-on espérer gagner pour sa santé et l’environnement en allant vers une alimentation plus végétale ?
O.J. « Dans notre étude, nous avons trouvé qu’un Américain peut gagner jusqu’à 48 minutes de vie en plus par jour et réduire son empreinte carbone d’un tiers en remplaçant 210 kcal de de bœuf et de viandes transformées par un mélange de céréales complètes, fruits, légumes, noix, légumineuses et certains fruits de mer. »
Quelles sont les priorités ?
O.J. « Tout d’abord, nous devons globalement mettre tout en œuvre pour offrir une qualité et une variété de fruits et de légumes à des prix abordables. Cela passera, à mon avis, par une production raisonnée, plutôt que purement biologique, et par des subventions agricoles mieux réparties selon l’impact des différentes cultures et exploitations sur l’environnement. Puis, individuellement, nous pouvons manger les légumes et fruits de saison, et en hiver, préférer les conserves et les surgelés. Manger selon les saisons est encore plus important pour préserver l’environnement que de manger local, surtout si la production locale est faite sous serres. En ce qui concerne les substitutions à faire dans son alimentation, la priorité est de limiter les aliments tels que la viande de bœuf et les viandes transformées, et de les remplacer par des aliments végétaux. »
Comment faire adhérer les gens à ces changements ?
O.J. « Notre message est positif et simple et incite ‘à faire’. La publication de nos résultats a suscité un énorme intérêt auprès du grand public, dès sa sortie, le message de 36 minutes de vie perdues par hotdog a connu un succès viral immédiat et global. J’aime beaucoup citer le message suivant qui m’a été rapporté : des enfants réclament ‘des minutes de vie’ à leurs parents, plutôt que de demander une pomme. Cela illustre que le message est bien compris, accepté et appliqué de façon ludique, même par des enfants. »