Orthorexie: quand bien manger devient une tolérance zéro

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L’orthorexie est caractérisée par la volonté obsessionnelle d’ingérer une nourriture saine. Une attitude déjà décrite en 1997 par Bratman, qui fait aujourd’hui l’objet de nombreuses mentions dans les médias. Entretien avec Nicolas Sahuc, diététicien libéral et attaché au CHU de Montpellier.

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Ne cherchez pas de trace du terme «orthorexie» dans un manuel de référence de psychiatrie, il n’y est pas encore présent… Mais cela ne saurait tarder! Il n’y a en effet pas de reconnaissance officielle de ce comportement de fixation extrême, dont on trouve pourtant la trace dans l’histoire de toutes les religions.

Pour Nicolas Sahuc, il importe d’observer le contexte actuel qui relève de nombreuses erreurs de conception du «corps». Il est souvent confondu avec le poids ou avec l’image du corps, mais aussi réduit à des fonctionnements mathématiques ou à de la commercialisation de masse.

Qu’est-ce que l’orthorexie?

Les personnes sujettes à l’orthorexie sont surtout soucieuses de la qualité des aliments qu’elles ingèrent, et de les sélectionner selon leur perception de ceux qui sont vraiment «purs».

Les choix alimentaires sont donc avant tout qualitatifs, pour «perfectionner» le fonctionnement de l’organisme. On se situe donc à l’opposé de l’anorexie, qui se focalise davantage sur la modification de l’image du corps, sur le poids, les graisses et la réduction calorique. Son pronostic est plus critique à terme que l’orthorexie.

Toutefois, l’orthorexie peut s’avérer si contraignante qu’elle peut conduire à un isolement social et rendre incapable la personne qui en souffre, de s’alimenter sans contrôle. La personne planifie donc longuement à l’avance et, typiquement, prend une boîte repas hermétique partout où elle va.

 

Quelle est votre approche?

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Ma réflexion propose de transformer l’acte diététique d’un mode de régime alimentaire à un acte de soin éthique. C’est-à-dire, évaluer d’abord la situation nutritionnelle, avant toute prescription de conseils alimentaires. À mon sens, 2 erreurs sont maintenues dans nos pratiques et approches médicales:

  • le concept de corps,
  • le concept du temps.

Ces 2 concepts ne peuvent être approchés, seulement si nous acceptons qu’ils nous échappent. La confusion entre le temps des horloges et le temps biologique provoque des discours nutritionnels et éducatifs inadaptés, vis-à-vis du référentiel.

Il en est de même pour le corps, qui est réduit à une matière inerte (poids, image du corps), opposée du cycle vivant, plus ou moins imprévisible. Ces erreurs fondamentales provoquent des conseils alimentaires et réflexions normées, ne pouvant s’adapter au vivant.

Il est temps de révolutionner nos approches! Ma formation de master en philosophie et éthique médicale, ainsi que la pratique de 10 ans d’expertise dans les troubles alimentaires me permettent de proposer un soin différent sur le corps.

Cette réflexion me permet de conduire prochainement ma thèse de docteur en philosophie, mention éthique médicale et hospitalière.

Pour comprendre l’origine de l’orthorexie, spirale du risque imaginé, consultez la suite de l’interview de Nicolas Sahuc ici